Troisième fleuve de France après la Loire et la Seine, le Rhône étire ses 812 kilomètres en Suisse et en France, dont 250 dans la vallée du Rhône où il traverse six départements et 418 communes. En plaine, en terrasses ou sur des coteaux abrupts, la vigne a ici trouvé des terroirs de qualité, avec des paysages qui invitent à la visite. A deux, évidemment.
Importée par les Grecs au IVe siècle avant notre ère et structurée par les Romains, la viticulture dans la vallée du Rhône vit ses débouchés disparaître avec l’effondrement de l’Empire romain. Il fallut attendre le Moyen âge et l’influence de l’Eglise pour lui permettre de redémarrer. Les sept papes qui se succédèrent de 1309 à 1376 à Avignon relancèrent le vignoble qui, quelques siècles plus tard, tira son nom d’une des circonscriptions administratives de la Viguerie d’Uzès : la « Coste du Rhône ». Au milieu du XIXe siècle, la Coste prend le pluriel et devient les Côtes du Rhône en englobant les vignobles situés sur la rive gauche du fleuve.
Dès 1937, l’AOC Côtes du Rhône (CdR) est l’une des premières appellations d’origine protégée, elle a depuis été complétée par uhe vingtaine de CdR Villages avec ou sans nom de commune. Les vins produits dans ces villages se situent dans la hiérarchie des vins rhodaniens juste en dessous des « Crus », souvent très connus comme Gigondas, Vacqueyras, Rasteau, Cairanne ou Laudun depuis quelques mois.
Les variétés noires sont le grenache, la syrah et le mourvèdre avec des cépages secondaires tels que le carignan, le cinsault. Les vins blancs sont plus rares (10 à 15% environ), mais connaissent un regain intéressant avec des variétés telles que le bourboulenc, la clairette, le grenache blanc, la marsanne, la roussanne et le viognier.
Le vignoble est installé principalement en terrasses, façonnées depuis l’Antiquité, sur des sols granitiques, tendres ou plus complexes selon les endroits. Il est soumis dans sa zone septentrionale aux infuences semi-continentales avec des vendanges plus tardives, et dans sa zone méridionale à l’influence de la Méditerranée.
Début avril s’est déroulé le salon professionnel « Découvertes en vallée du Rhône » (DVR) en plusieurs étapes entre Avignon et Ampuis. DVR offre l’occasion de déguster des centaines de vins, connus ou non, et de s’attarder sur certaines appellations. Comme elles sont très nombreuses, ce reportage paraîtra en deux parties en commençant par les vins de la partie nord ou septentrionale.







La Belgique est le premier marché à l’exportation des AOP du Rhône (19% des volumes), devant le Royaume-Uni (16%) et les Etats-Unis à 13% en troisième place. Ceci sans compter bien sûr les bouteilles qui remontent en voiture et qui sont dès lors considérées comme… françaises. Les Belges sont spécialistes du genre.
Dans la vallée, oh oh…
Lorsque l’on quitte Lyon, en descendant vers Vienne, les trois premières appellations sur la route sont Côte-rôtie, Condrieu et Château-Grillet. Situé à 30 km au sud de Lyon, le vignoble de l’AOP Côte-rotie tire son nom de son exposition plein sud. C’est le seul de la vallée du Rhône à être implanté de la sorte, c’est donc le plus directement ensoleillé, avec avantages et inconvénients. Les vignobles sont très escarpés et entourés (ou soutenus) de murs en pierre caractéristiques. C’est l’un des points de vue les plus impressionnants du Rhône. N’éhsitez pas à sortir des sentiers battus.
On n’y fait que des vins rouges (le voisin Condrieu est 100% blanc), avec de la syrah qui peut être ici complantée avec max 20% de viognier. Ce cru prestigieux ne compte que 333ha aet on y distingue même la Côte brune (et ses sols de schistes bruns) au nord d’Ampuis et la Côte blonde, au sud. La côte-rotie est un vin de longue garde, il ne s’épanouit qu’après 10 ou 15 ans et peut vieillir bien plus longtemps encore.
>> Références et coups de coeur : Famille Garon (Les Rochins 2022), Domaine Jamet (Terrasses 2022), Yves Cuilleron (Madinière 2023 et La Viallière 2023), Julien Pilon, Les Terriens (Cœur d’or 2022), Vidal-Fleury (La Chatillonne 2019), Christophe Pichon (Rozier 2022), Domaine Christophe Billon (La Brocarde 2021).
Là-haut sur la colline
Poursuivons notre route et passons par le vignoble de Saint-Joseph (ne cherchez de village du même nom, il n’y en a pas) pour arriver sur la colline de Tain-l’Hermitage, sur l’autre rive du Rhône. La montée à la Chapelle est un must et offre une point de vue inégalable. Attention, la fin du chemin est impraticable en voiture. Les amateurs ne rateront pas non plus la visite des caves Chapoutier et Jaboulet, véritables institutions locales, et pourront loger à l’hôtel Fac&Spera : “Fais et espère” est précisément la devise du propriétaire, un certain Michel Chapoutier. Vous la retrouverez sur toutes ses bouteilles et panneaux publicitaires.
>> Quelques coups de cœur en Crozes-Hermitage : Domaine des Hauts Chassis, David Reynaud (Georges 2022, Les Croix 2021), Domaine Les Hauts de Mercurol, Yann Chave (Le Rouvre 2018), Domaine Laurent Veyrat et Domaine du Murinais.
Avant de découvrir la dernière appellation du Rhône Nord, vous ferez un détour par les terroirs de l’AOP Cornas et de celui de Saint-Péray.
Exclusivement rouge, le vignoble de l’AOP Cornas est implanté sur le versant Est du Massif central. Ses coteaux abrupts forment un amphithéâtre naturel qui protège la vigne des vents froids. Les vignes sont ici conduites sur échalas ou en palissage.
Saint-Péray est la plus petite appellation du Rhône, à peine 115 hectares de marsanne et de roussanne. Ici, les vins sont uniquement blancs, et même avec des bulles depuis fort longtemps. On raconte que Wagner, Baudelaire et Maupassant les appréciaient fortement.
>> Mention spéciale au Domaine du Tunnel, à l’incontournable Alain Voge, au Domaine Courbis (Les Eygats) et au Domaine Chaboud-Cellier, qui souvent font du blanc à Saint-Péray et du rouge à Cornas.
Un détour réconfortant
Entre Valence et Montélimar, effectuez un détour par la Drôme pour découvrir quatre appellations en quelques kilomètres : la Clairette de Die, le Crémant de Die, les Coteaux de Die et Châtillon-en-Diois.
Reconnue depuis 1942, l’AOC Clairette de Die partage son prestige avec deux autres vins effervescents et tranquilles (Coteaux-de-Die et Châtillon-en-Diois), mais leurs volumes de production n’ont absolument rien de comparable. Elaborée selon la méthode ancestrale ou traditionnelle, la Clairette de Die offre deux profils gustatifs et aromatiques tout en élégance. C’est aussi une alternative moins onéreuse à d’autres vins effervescents.
Ancrée sur des flancs montagneux grimpant jusqu’à 700 mètres d’altitude que la Drôme traverse fièrement, les vignes cotoient ici les champs de lavande et les arbres fruitiers. Entre Provence et Vercors, le vignoble diois profite de la double influence alpine et méditerranéenne qui lui permet de donner naissance à des vins à l’effervescence intemporelle. Plus du tiers du vignoble est en bio.
La Clairette de Die est vinifiée sans ajout de levure ou de sucre (mais contient malgré tout 25% de sucre naturel) avec deux cépages incontournables, le Muscat à petits grains (80%) et la Clairette (20%). Le premier apporte une large palette aromatique avec des arômes de rose, de litchi, de fruits exotiques et, bien sûr, d’agrumes : Il confère au vin intensité et délicatesse. La seconde, la Clairette, apporte quant à elle des notes de fleurs blanches et assure la finesse ainsi que la fraîcheur. Le taux d’alcool est faible (7 à 9%), les bulles parfaites pour l’été. Bonne dégustation.
Terminer par la carte
Signé : Marc Vanel




